Comme l'a annoncé le message précédent, je souhaite vous faire partager mes points de vues sur notre ville et les différentes phases du plus grand conflit mondial, du moins le plus meurtrier et le plus atroce.
Notre maire, Adrien Marquet , glorieux personnage de la IIIème République, socialiste convaincu et orateur de génie, tient Bordeaux depuis 1925. Il a engendré avant 1940 de très nombreuses réalisations comme le stade Lescure, la piscine Judaïque, la Bourse du Travail, le nouveau et très moderne Centre du Gaz de Bordeaux, la rénovation de nombreux lieux comme le Jardin Public, la construction des hangars des quais et est l'auteur de nombreux projets à commencer par la place de la Victoire ou le quartier de la Gare, jamais réalisés : le tout, bien souvent, sous l'égide de son architecte royaliste (le rapprochement politique entre les deux hommes est amusant), Jacques d'Welles.
L'homme est très apprécié des bordelais qui ont la réputation d'aimé leur maire comme leur roi, ce qui n'est pas fondamentalement faux, encore aujourd'hui : pour preuve, Adrien Marquet est élu trois fois (1925 à 1944), Jacques Chaban Delmas huit fois ! (1947 à 1995) et Alain Juppé quatre fois (1995 à 2004 et 2006 à aujourd'hui) : l'électeur est fidèle.
Seulement, Marquet commence dès 1933, lors du 30e Congrès du SFIO à tenir certains propos qui défendent "l'ordre, l'autorité et la Nation": Léon Blum est consterné. Nous ne sommes pas surpris alors de comprendre le respect que s'éprouvent Laval et lui même, tous deux faisant partie du même ministère Doumergue.
Lorsque la guerre se déclenche, il se met au service du Maréchal Pétain et devient son ministre de l'Intérieur. Son honneur est sauf lorsqu'il est remplacé, probablement parce qu'il refuse de signer les lois antisémites.
Son rôle à Bordeaux n'est pas moins important : il réussit un exploit, celui de faire maintenir le drapeau français sur la Palais Rohan jusqu'en 1942, date à laquelle la résistance bordelaise prend un essor considérable, à l'image des autres régions françaises occupées. Tant bien que mal, il essaya de préserver le patrimoine bordelais mais ne pût sauver les statues de la ville, quasiment toutes fondues à l'exception de Tourny, du monument aux mobiles de 1870-1871 et de la liberté se libérant de ses chaînes (en effet, les nazis ne pourront la déboulonner la grue étant trop petite...).
Pour entrer dans le vif du sujet, Bordeaux est elle une ville martyre ?
En quelques sortes si l'on considère qu'elle a été occupée dès 1940 en tant que port de l'Atlantique et que de nombreux bombardements furent effectués de 1940 à 1944. Nous sommes loin des dégâts de Brest, de Royan ou du Havre mais la ville a payer un lourd tribu au destin cruel de ce conflit par des milliers de morts et la destruction de certains de ses édifices comme une partie de la place de la Bourse, dont le bâtiment de la Douane fut partiellement détruit à l'exception des murs.
Ainsi, à l'image de nombreuses autres villes, le mot destruction et toute sa cour ont accompagné la ville durant ces quatre années : patrimoine en danger, habitants tués ou massacrés, juifs raflés, résistants fusillés, honneur français bafoué...
Malgré tout, il faut reconnaître qu'Adrien Marquet a réussit à éviter de nombreuses autres souffrances à Bordeaux : lors de son arrestation en 1944 et de sa comparution en 1947, il fut soutenu par le grand rabbin de Bordeaux et de Paris pour l'aide discrète qu'il a tenté d'apporter à la population juive de la ville puis par d'autres, libérés du fort du Hâ (prison à l'époque de Bordeaux) grâce à lui. Une amie du maire a avoué avoir entendu dire de celui-ci que la guerre était chaotique, ce dès 1942. Le maire de Bordeaux ne manqua pas de signaler ses erreurs à certains de ses partisans de confiance. Cela suffit à le faire libérer mais le déshonneur national lui fut attribué en tant qu'ancien membre du gouvernement de Vichy.
Bordeaux fut donc une ville martyre en admettant que toute la France peut être désignée ainsi. Nous restons néanmoins loin des actes de barbarie nazi tel Oradour-sur-Glane... Mais il faut cesser cette croyance populaire qui consiste à dire que la ville durant ces quatre années s'est amusée à organiser des expositions antisémites sans jamais souffrir des différents comportements militaires et autoritaires nazis.
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